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Fanny Mathieu

Des racines et des vergetures

Je suis de terre et de boue

Avec une louve encastrée dans le cœur

Mon corps est mémoire

Dont les racines s'enfoncent et se célèbrent

De ma peau striée de branches et d'ouverture

S'expose les entrailles de la forêt

Elles proclament la fertilité des courbes

Qui me font ancestrale

Pourquoi les vergetures sont des mal-aimées?

Ces stries, on préfère les ignorer ou les cacher. Elles nous trahissent en faisant affront à notre beauté. Beauté qui, d'ailleurs, on a tant de difficulté à voir dans nos reflets. Comme si malignes, ces marques venaient gâcher tous nos efforts d'acceptation. C'est tellement difficile de s'aimer. Encore plus lorsque voit son corps changer, se former et se déformer, s'ouvrir si grand et se balancer au son des hormones. C'est triste, non ? On nous enseigne les maths, mais on ne nous transmet pas l'estime. Personne ne nous a dis que nous sommes fais de volupté. Que notre peau est une terre de sable qui adore se sculpter des nouvelles formes. Parfois extensible, parfois pas du tout. Personne ne nous a dis que notre utérus aime baigner dans un corps de gras et de courbes. Et que cet équilibre fait sa santé. Il aime l'enveloppement. Il aime la chaleur. Et ronronne lorsque sa maîtresse aime ses montagnes et ses forêts. Les vergetures font partie de notre paysage. Elles ne sont qu'un des multiples morceaux de nous-mêmes, ceux qui font de nous des êtres forts et uniques. Elles ont une mémoire, une vie. Tant de souvenirs et d'émotions s'y rattachent! La beauté n'est pas fait de symétrie, de sable lisse et de pointes d'ossement. Elle n'est qu'un ensemble, un énorme casse-tête que vous montez jour après jour et qui vous représente. Pouvez-vous le changer ? Non, pas sans chirurgie. Alors à quoi bon inventer la laideur? Quelqu'un qui s'aime rayonne. Basta le cercle vicieux ! On est ce qu'on est, autant en profiter. Vous pouvez mettre ça sur le compte de la société autant que vous le désirez. Mais n'est-il pas plus libérateur de se savoir la première responsable? De savoir qu'on est pas obligé de se laisser nourrir par les influences extérieures, qu'on est pas dépendant du monde?

Vous avez encore de la difficulté?

Revenons à la base. Le mot lui-même. Ces racines sont-elles aussi porteuses de dégoût? Pas du tout!


Vergeture est en fait dérivé de verge, qui est plus largement connu comme symbole… du pénis. Surtout aujourd'hui. Car il y a plusieurs définitions au mot verge et celui-ci était porteur d'un tout autre sens par le passé. Une de ces autres définitions? Baguette longue et flexible. Bon, j'imagine que vous voyez toujours un pénis et que vous ne voyez pas toujours de lien avec ce dont nous parlons.


Allons alors vers la définition latine. Le mot verge est quant à lui dérivé du mot latin virga, lequel signifie branche. Gardez ce mot en tête, on y reviendra.


Le mot -ure qui termine le mot vergeture est un suffixe. Lorsque le mot est un nom commun (verge) et que le suffixe -ure est ajouté, il vient exprimer une valeur collective, un ensemble.


Mes chères louves, regardez vos vergetures.

Elles signifient « un ensemble de branches ».

Prenez une respiration et méditez là-dessus : en l'honneur de vos rondeurs, de votre cycle hormonal ou de votre maternité, votre corps vous a offert le tatouage d'un arbre. Vous n'êtes plus une simple humaine. Vous êtes une femme avec de magnifiques branches incrustées dans la peau. Vous êtes reliées à vos racines terrestres, que vous le vouliez ou non. Vous avez une lignée de femmes derrière vous qui ont connu ces branches. Oui, si on s'en tient au niveau biologique, ce sont des déchirures au niveau de la deuxième couche, le derme. À cause d'une prise de poids trop soudaine, à cause de changements hormonaux, à cause d'un manque d'hydratation, de gras ou de flexibilité. Qu'importe la source de ces déchirures. Symboliquement, elles sont plus que ça. Et beaucoup plus belles que vous croyez.


N'ayez pas honte que vos enfants y touchent. Ils doivent voir que c'est normal et sain. Dites leur que ces petites branches sont là parce que vous vous êtes faites toute grande pour les accueillir. Si vous avez des vergetures à cause de la puberté et des hormones, n'ayez pas honte de les afficher. Elles sont les témoins d'un passage important et soulignent votre maturité et toute la sensualité de vos courbes. Ne craignez pas que les hommes ne vous trouvent pas belles. Si c'est le cas, ils ne sont pas encore hommes et ne sont pas encore prêts pour être avec une louve. La plupart n'en ont cure. Ils vouent admiration et passion à notre corps et ne perçoivent pas la laideur que nous imaginons. Ils sont nos premiers admirateurs. Laissez votre partenaire caressez vos racines. Il saura les aimer et les chérir. Mais surtout, apprenez à leur donner de l'amour vous-mêmes. Ce sont vos branches.


Pour celles qui sont enceintes et qui en ont peur, acceptez que ce n'est pas vous qui décidez. C'est merveilleux de prendre soin de son corps! De se huiler, de se mettre de la crème, de s'hydrater autant que possible. J'applaudis. Le corps a besoin d'amour. L'huile d'amande douce ou de sésame sont riches en oméga et vitamines, l'huile d'émeu est un merveilleux gras pour votre peau avec un beau côté anti-inflammatoire, l'huile de coco a une liste infinie de bienfaits et la vitamine E est aussi essentielle que toutes les autres vitamines. Mais ne prenez pas ces produits pour prévenir. Car il n'y a aucune garantie. Prenez-les pour donner de la nourriture votre peau et l'aider dans son travail d'ouverture. C'est correct de ne pas vouloir de vergetures, ce n'est pas une pensée impure. Mais n'en soyez pas obsédée. Et si ça arrive, lâcher-prise et voyez en elles des racines. Pas de comparaison non plus. Chaque corps a son histoire et raconte son propre conte. Pourquoi ne pas écouter ce qu'il désire nous transmettre?


J'ai dit un jour à une cliente à quel point ces vergetures, je les trouvais belles et qu'elles me rappelaient le tatouage d'un arbre. Elle ne s'y attendait pas. On a besoin de s'entraider à nous aimer et nous voir autrement.


Je vous livre donc ce petit poème en honneur aux femmes qui m'ont transmis le murmure de leurs vergetures. Avec leurs mots, j'en ai fais une mélodie. J'espère que ce texte vous invitera à vous découvrir autrement et à renouer avec vos branches ancestrales.

 

Nue, face au miroir

Je contemple mon corps en évolution

Mon cœur rougit de gêne

Mes pensées obstinent la beauté

S'interrogent la laideur

Jusqu'au coup de pied dans le ventre

Qui me ramène, me rappelle

À mon précieux, mon gift de la vie

Ces branches, ces lignes de vie

Comme des morceaux de mon corps

Me font faire la traversée

Du deuil à l'acceptation

Aurais-je oublié le signe sacrée de mon temple?

Qui ne veut que naissance

De l'inconditionnel amour au don complexe du bonheur

Je me move

Entre bulles de sang et réussites

Ouvrir, ouvrir tout grand

Pour faire naître mes amours

Avant que s'explose mon ventre

Nue, face au miroir

Je contemple mes tatouages

Dans mes tiger stripes

J'y vois des vallons de femmes en révolution

Entre gêne et beauté

Leurs marques de guerre parlent

Tel des chants de bataille

Elles crient la chance derrière l'enfantement

Car de ces rayures de tigresse

Naissent des âmes avides d'expérience terrestre

Vergetures ou pas vergetures

Minuscules, griffées, allongées, colorées

Ces femmes murmurent

Le devoir d'aimer ces lignes de vie

Dans ces vallons de sisterhood

Peut-être des mères guerrières, garantes d'un grand amour

Alors que petit ange vole et s'envole

Laissant comme souvenirs des petites traces

Ces branches sont alors des messages

Lancés vers les cieux, vers ses yeux

Ce sont aussi des algues

Qui s'enroulent et s'abandonnent

Pour enfanter des sirènes

Qui nageront dans la mère que je suis


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