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Fanny Mathieu

Quand les femmes dansent...

As-tu déjà pris le temps de danser dans ton salon ?

De te mouvoir, de sourire et de laisser exprimer tes émotions par la danse ?

D'oublier ton côté pragmatique de citoyenne modèle et de juste, pour un seul moment, eu le plaisir de reconnecter avec les rouages de ton corps?

As-tu déjà pris le temps de penser que la danse est sensuellement libératrice et qu'elle n'est pas juste divertissement pour les autres ?

Que de s'ancrer dans son bassin, de bouger les hanches et d'être fière de sa féminité ne fait pas de toi une agace ou une salope ?

Que lorsque tu danses, tu t'exprimes, tu crées et tu entres en contact avec ton énergie sexuelle, celle-là même dans laquelle tu puises chaque jour pour te sentir vivante ?

Si je te posais ces questions, comment te sentirais-tu ? Passionnée ou mal à l'aise ?

Nous avons un rapport à la danse très complexe. Les gens adorent la danse, mais ils la vivent davantage comme un divertissement, une fuite de la réalité. Nous n'avons qu'à penser aux bars, aux clubs. C'est nécessaire, et j'en suis la première à applaudir, mais nous avons aussi oublié de danser pour nous. De danser avec conscience, bonheur et sensualité sans qu'il n'y ait une goutte d'alcool dans notre verre. Ces rythmes de nos corps devraient être un ancrage profond dans la terre et non juste une diversion de son quotidien. Ce devrait être une routine, car la danse et le mouvement nous aident à intégrer la pleine conscience dans nos actions. Nous sommes malheureusement trop dans nos têtes et pas assez dans nos bassins, nos cœurs charnels. Serait-ce parce que le corps est dévalorisé et l'esprit sublimé ? Que d'extrêmes, que de résistance entre ces deux énergies binaires.

Je vois surtout toute cette complexité et ce malaise chez les femmes. Elles veulent danser, mais elles ne savent pas toujours comment et ont peur des jugements. Dans certains ateliers, jai vu des femmes pleurer tant elles étaient incapables de danser parce que ça venait les chercher dans leurs blessures. Dois-je vous apprendre que c'est leur énergie sexuelle qui est souvent blessée ? Constamment, dans notre culture du moins, les femmes vacillent entre l'hypersexualisation continue des médias et la désexualisation de leur entourage qui refuse de reconnaître leur côté sauvage. Cette contradiction est à son paroxysme à l'adolescence. Nos jeunes filles sont attirées par la grande confiance et puissance sexuelle des artistes dans les vidéoclips, mais cette belle énergie sauvage est représentée sous des couverts de provocation et d'objectification plutôt que par la sensualité et l'art. Déséquilibre. Puis, leur entourage vient nier ces envies, ces désirs et ce flux de vitalité comme si l'enfance leur collait à la peau. Alors que c'est tout le contraire qui se passe dans leur corps. On met un frein à leur évolution sexuelle et après on s'étonne que les femmes ont un rapport si difficile avec elles-mêmes. Déséquilibre. Alors, femmes en devenir, nous nous retrouvons complètement mélangées dans toutes ces visions contradictoires. Et les blessures, l'anxiété et la vulnérabilité viennent à pousser sur cette base instable. Je n'accuserai pas ici que le patriarcat. Je crois qu'il y a de multiples facteurs et que nous en sommes tous responsables. Car beaucoup d'émotions et de valeurs se transmettent de mère en fille. À nous de changer l'héritage et d'enseigner à nos filles toutes les richesses de leur corps et d'arrêter cette sacro sainte pudeur religieuse. On ne peut pas contenir la louve éternellement.


Ça fait mal de penser que nous sommes tellement inhibées par nos peurs et nos contraintes que le mouvement est devenu vestige de la honte. Quel impact sur les passages féminins ? Le cycle menstruel n'a plus de rythme musical. Les femmes n'osent plus se mouvoir durant leur accouchement. Les mères oublient tristement que leurs rondeurs et leurs vergetures sont faites de beauté dansante. Et que la ménopause mérite d'être célébrée par quelques mouvements de hanches. J'ai mal à mon corps de femme quand j'y pense. Car je ressens et conçois la danse comme un outil délectable d'émancipation humaine. Ce n'est pas juste un petit coup de pied par-ci, un petit coup de bras par là et hop un tour de bassin. C'est sentir chacune des molécules de son espace. Imaginez le massage que ça fait à vos organes internes, notamment tous ceux qui se trouvent dans votre ventre et votre région pelvienne !


C'est en lisant un magnifique livre sur la danse (La danse des femmes de Rosina-Fawzia Al-Rawi) que j'ai décidé de pondre un article sur ce sujet.

Dans ce petit livre, elle retrace à travers l'histoire notre vision de la danse. Elle nous remémore à quel point nous avons perdu l'essence de cette activité de nos jours. Il n'y a plus rien de sacré, de doux, de sauvage et de spirituel dans nos mouvements. Plus de rituels non plus. Ou du moins, nous en trouvons peu qui ne soient teintés par le capitalisme. L'autrice termine avec des conseils, des exercices et nous explique différents types de danse. Elle parle notamment beaucoup de la danse du ventre qui en est une magnifique pour se reconnecter à son utérus.


Cela m'amène à vous écrire ceci : votre corps et vous-mêmes méritez que vous faites un duo ensemble. Poussez la table au loin, mettez une musique qui a une vibration particulière pour vous et créez. Votre base c'est votre bassin, votre ventre, votre antre. Vous devez respirer à partir du plexus et quitter votre tête. Pas de jugement, pas de contrôle mesdames. Sortez la sensualité de votre placard et retrouvez votre vieille amie. Elle n'est pas le monstre que la société dépeint. Sur votre peau, vous sentez toutes les couleurs de votre environnement. La délicatesse de l'air, le charme froid du plancher, peut-être le tissu virevoltant de votre jupe ou la rigidité de votre pantalon. Vos pieds sont à la fois libres et ancrés au sol. Vos hanches sont mobiles et liés à votre centre pelvien, votre univers. Ces formes, croyez-moi, vous les aimez et vous chérissez ce ventre et ce nombril qui se découvre. Votre thorax est aussi mobile. Vos bras deviennent des oiseaux qui volent et s'activent à faire toutes sortes d'envolées. Et v'là une belle tête haute où s'affiche un sourire généreux et confiant. Les meilleures danses pour s'exprimer, autre que l'improvisation ? Toutes les danses sensuelles. Latines, gitanes, orientales. Vous vous faites un cadeau. Vous voulez un challenge de plus pour apprendre à accepter votre corps tel qu'il est ? Dansez nue. Fermez les rideaux et mettez une ambiance feutrée. Ça sera sans doute difficile. Émouvant. Et pourtant, c'est vous. Ces formes méritent respect. Et que vous le voulez ou non, la graisse est importante et nécessaire pour les femmes. Elles sont signes de fertilité, de profondeur, d'amplitude.

Allons encore plus loin dans l'expression de la danse au quotidien. Quand je disais que votre cycle menstruel mérite ses rythmes c'est que vos variations hormonales sont comme une musique. Qu'on nie souvent, tristement. Vous pouvez adapter vos mouvements et votre danse selon votre saison.


Durant vos lunes, sortez votre lenteur. Les mouvements du bassin sont des trésors de soin pour vos douleurs. Et encore plus si vous savez prévoir. Faites vos activités sans forcer et portez attention à tout ce corps qui travaille et expulse une partie de vous. Même si vous travaillez. Vous avez le droit de ne pas être productive. Même lorsque j'étais à la caisse, je me balançais, je me mouvais pour ne pas rester inerte. Car le sang coule mieux lorsque vous ouvrez et que votre pelvis bouge. Le bassin est mobile, rappelez-vous. C'est une saison où votre énergie sexuelle est spirituelle, sensuelle, intérieure, dans la sacralité. Vous êtes la déesse du slow.


À la fin de vos règles jusque dans votre période fertile, le plaisir se moule à la danse. Vous renaissez et avez plus confiance. C'est un moment parfait pour créer, rire et courir. Danser peut se faire aussi dans le sport. Comme les œstrogènes reprennent le dessus et que vous n'avez plus cette lourdeur, l'envie de vivre est plus forte. Sortez entre amies, allez danser et n'oubliez de le faire en conscience et en ancrage. C'est une énergie sexuelle printanière où la joie se mêle à la séduction, où vos forces se renouvellent. Jouez, profitez. Essayez de nouveaux pas de danses ou des chorégraphies plus audacieuses, voire sportives.


Lors de votre ovulation, l'envie de materner explose dans votre ventre. C'est l'heure de prendre soin et de partager. Vous rayonnez de tendresse. Toute votre peau est tendue de créativité et d'ouverture vers l'extérieur. Pour celles qui veulent des enfants, le désir peut-être fulgurant. Dansez dans l'accueil, dans les mouvements sensuels et doux. Incarnez la mère, la guérisseuse. Pourquoi pas une danse entre amoureux ? Votre énergie sexuelle est amoureuse, passionnée, accueillante et vibrante.


Quelques jours après votre ovulation jusqu'avant vos lunes, vos pieds s'ancrent sauvagement dans la terre. Quelque chose hurle dans votre bassin. Personnellement, je trouve que le besoin de danser est une pulsion encore plus tenace durant ces jours. C'est la louve qui se libère, loin des diktats. On commence à ralentir, à prendre le temps de se reposer et de mariner ses envies tout comme ses projets. Madame progestérone est toute en présence et vous invite à imposer votre nid. Libérez votre animalité par la danse. Votre ventre vous y implore. Votre énergie sexuelle est terrestre, suave, confiante et déterminée.

Vous êtes enceinte ?

Dansez, il n'y a rien de mieux pour votre bébé et pour vous-mêmes.

Car vous préparez votre corps au passage de la naissance.

Vous renforcez vos ligaments et votre plancher pelvien. Sans parler des bienfaits du cœur. Vous apprenez à votre enfant les joies du mouvement, sa berceuse préférée. Si vous êtres mal à l'aise avec votre corps, la danse vous remettra en connexion. La rondeur d'un ventre gonflé est magnifique. Avez-vous déjà vu une femme enceinte danser le baladi ? Lorsque vous accoucherez, rappelez-vous que se mouvoir et redevenir animal peut vous aider à trouver la force pour le passage. Balancez-vous et ancrez-vous dans votre bassin. Devenez vague tout au long de l'accouchement. La danse crée des endorphines, le saviez-vous ? Elle vous permettra de gérer l'intensité des contractions. Une fois que bébé est né, viendra le jour où vous devrez vous réappropriez votre enveloppe de chair. L'aimer à nouveau, dans ses nouvelles teintes et formes. Le mouvement peut vous aider à accepter ce corps transformé et plus mature. Rendez-lui hommage, il vient de porter la vie. Même chose lorsque les rides apparaissent. La vieillesse est un bel évènement, pourquoi tant de méchanceté ? Votre corps a tant donné, ne mérite-il pas une petite danse de célébration ? Vous avez encore un bassin, vous pouvez l'habiter jusqu'à la fin.

De mon côté, J'ai toujours aimé la danse. Mais de la puberté jusqu'à l'âge adulte, je ne savais plus comment. Je résistais à toute cette énergie. Mais c'est quelque chose qui se réapprend. J'ai fait de la danse latine et du baladi. Ce dernier a été plus difficile car il vient nous chercher plus profondément si nous avons une faible estime de nous et des blocages. La danse me libère d'année en année. Il n'y a pas une journée où je ne danse pas. Elle m'a appris l'acceptation, l'accueil, le pardon et le désir. Et ce sont des mots que les femmes ont besoin de connaître.

Quand les femmes dansent... elles se découvrent et vivent avec passion.

C'est notre essence.

Alors, mettez une main sur votre nombril et remerciez-le.

Et puis, dansez.

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